Petite mise au point

Ces derniers temps, ciels qui me suivent auront peut-être noté que je parle quasiment plus de projet d’écriture ou d’avancée dans ce domaine. La raison est simple : je n’écris tout simplement plus. Plus rien depuis que j’ai renvoyé les corrections du Chant des Fenjicks au Livre de Poche (sortie prévue fin septembre, pour ciels que cela intéresse)
Pourquoi ?
Plusieurs raisons. Une partie est inhérente au fait qu’écrire n’a jamais été simple pour moi, je suis dyslexique, dysorthographique et j’ai traversé pas mal de soucis avec mes yeux ces trois dernières années (ça, c’est en passe d’être réglé). Bref, il me faut bien deux ans pour venir à bout d’un manuscrit publiable quand d’autres s’en sortent parfois en six mois.
Sachant cela, vous comprendrez aisément que voir saboter mon travail (parce que j’ai toujours considéré que cela en est un) est à mes yeux un manque total du respect le plus élémentaire.
Que l’on soit bien clair, ici : qu’on n’aime pas ce que j’écris ou comment je l’écris, n’a jamais été le problème.
Le problème, c’est le FOUTAGE DE GUEULE généralisé qui gangrène l’édition et qui petit à petit est arrivé à étouffer en moi toute velléité d’écrire.


Définition du foutage de gueule en question :
Pour comprendre, il faut d’abord piger comment fonctionne la chaîne du livre. Pour la majorité, elle se résume à l’auteurice écrit un bouquin et le propose à une maison d’édition, si la maison d’édition l’accepte, elle s’occupe de le faire corriger, imprimer et de l’envoyer à des libraires qui vont le mettre en rayon. Reste plus au public qu’à l’acheter ou le commander en ligne… SAUF que, ça, c’est la version simplifiée, édulcorée. Il manque ici un maillon de la chaîne que vous avez peut-être remarqué dans le fromage de répartition des pourcentages de qui gagne quoi sur la vente d’un bouquin, j’ai nommé LE VAMPIRE DE LA CHAÎNE DU LIVRE à savoir le distributeur/diffuseur. C’est lui qui sert d’intermédiaire entre les Maisons d’édition et les libraires qui ont généralement autre chose à faire que de démarcher et de livrer toutes les librairies de France et de Navarre. Sauf que ce maillon est seul de la chaîne qui se fiche complètement qu’un livre trouve ou pas son public, car plus un bouquin circule (même si c’est des allers-retours), plus il gagne de fric, et si votre précieux termine sa course au pilon, ça lui rapporte aussi… bref, je paris que vous commencez déjà à y voir plus clair…

Toutefois, ça c’est que le début. Il faut ajouter à ce biais, que vu comment le marché du livre est saturé, il est quasi impossible pour une maison d’édition de se passer de distribution. Bien sûr ce vampire en est conscient, c’est d’ailleurs une situation qu’il entretient en imposant un nombre minimal de sorties annuelles en contrepartie de ses services. Tant pis si pour honorer cette condition, la maison d’édition se voit contrainte d’accepter des manuscrits un peu limites, voire carrément pourris, de toute façon pour notre vampire, même un bouquin qui finit au pilon lui rapporte.
Vous allez me dire que même si tout ça est bien moisi, ça n’explique pas en quoi ça me touche personnellement, hein ?
Eh bien si j’utilise le terme gangrène, ce n’est pas sans raison. Idem pour les termes vampire ou pourrir, tous ces termes ont en commun d’impliquer une contamination. Le fait est ce système met les maisons d’édition sous pression, les prend à la gorge, les étouffe parfois pour le compte. Oui, pauvre maison d’édition, la chaîne du livre n’est pas tendre avec elles : les auteurices sont intenables, la distribution leur fait du chantage, retient leur stock en otage, ne leur reverse pas ce qui est dû, ne leur communique pas les chiffres, bref, si tout ça n’est pas faux, c’est aussi souvent une belle excuse pour ne pas faire son propre taffe et différer le versement des droits aux auteurices.  
Non, ce n’est pas qu’une affaire de sous, même si je trouve particulièrement mesquin quand une maison d’édition me carotte des ventes (pour une valeur ridicule en droits d’auteurices qui plus est), quand elle se permet de la compensation intertitres ce qui est illégal, qu’il faut relancer et relancer pour être payé, que l’ordre de virement vient toujours d’être donné alors qu’aucun virement n’arrive... Mesquin, irrespectueux et ridicule, certes, mais là encore ce n’est qu’une raison, parmi un faisceau.
 Un faisceau composé de semi-vérités et demi mensonges, de réponses vagues quand elles sont pas vaseuses, de calendriers et de deadlines qui sont tout sauf définitifs, mais presque toujours intenable et bien sur des reproches malhonnêtes et culpabilisants.


Ici, je vais faire un petit rappel sur le rôle de chacune des parties pour qu’on soit bien raccord.  


LE RÔLE DE L’AUTEURICE est d’écrire un manuscrit, de le relire, de le transmettre à son éditeurice qui va le transmettre pour correction auprès d’un ou d’une correctrice professionnelle puis de le retourner à son auteurice pour que ciel-ci valide ou pas une par une lesdites corrections qui ne sont pas toutes purement orthographiques ou grammaticales. PAS UNE VIRGULE NE DOIT BOUGER SANS L’ACCORD DE L’AUTEURICE, c’est dans la loi et ça vaut pour tout texte que publié. Une fois tout ce travail terminé, l’auteurice renvois le manuscrit à sa maison d’édition, qui se charge de faire la maquette et renvoie ensuite à l’auteurice un BAT (Bon à tirer) pour validation. Il faut savoir que beaucoup de ME renvoient ce BAT avec une deadline à trois jours et que pour relire avec beaucoup d’attention un pavé qu’à ce stade on connaît par cœur, c’est juste mission impossible avec un résultat qui peut dans certains cas annihiler tout le travail fait avant. Le BAT signé, le rôle de l’auteurice se résume alors à dédicacer son ouvrage, si toutefois iels est invité à le faire.


LE RÔLE DE L’EDITEURICE est de sélectionner des textes pour les publier et assurer leur mise en vente tant en librairie que sur le net et parfois en salon. Son but n’étant pas de perdre de l’argent, on peut donc en conclure qu’iels devraient tout faire pour que ce texte soit mis en avant, n’est-ce pas ?  
Sauf qu’iel à un quota qui lui impose un certain nombre de titres (voir plus haut, notre vampire). Du coup parmi les bouquins qui sortent dans l’année, iel a ses chouchous, les autres et puis encore les autres… (Si vous voulez savoir dans quelle tranche ce trouve votre précieux sur lequel vous avez bossé en moyenne un an voire beaucoup plus, il suffit de comptabiliser vos invitations en salon.) Comme le budget promotion est généralement limité, les éditeurices le place généralement un cheval qu’iels considèrent gagnant. Perso, je pige pas la logique, hein ? En quoi un bouquin qui se vend tout seul a-t-il besoin qu’on en fasse la promo ? J’ajoute que si un bouquin ne démarre pas comme une fusée, dans les trois mois, il est mort… Vous, vous avez toujours bossé comme an malade pour qu’il voie le jour, mais c’est de votre faute (présence insuffisante sur les réseaux ou en salon, alors que vous n’êtes pas invité) bref, cela surtout si vous avez le malheur de vous plaindre d’absence de mise en avant, bien sûr. POUR RAPPEL, la communication autour de la sortie d’un ouvrage, ça, c’est le taffe de l’éditeurice, pas de l’auteurice.
Bref, comme vous pouvez le constater, il s’agit de petites choses qui s’additionnent, s’additionnent et finissent par vous gâcher le plaisir d’écrire. Sauf que vu ce qu’on gagne en tant qu’auteurice, si en plus on nous gâche le plaisir, ben perso, je déclare forfait. Il y a plein d’autres activités qui me nourrissent, me rendent heureuse, l’écriture n’en fait plus partie. J’ai encore trois romans qui en sont au stade fignolages, j’en ai même un an fin de corrections éditoriales suspendu suite à une rupture de contrat, peut-être qu’un jour je l’autoéditerai, mais pour le moment, j’avoue ne pas avoir le courage ou l’envie de le m’y mettre.


Plus haut, je fais allusion aux mensonges et semi-vérités. Plus que tout, c’est sans doute cela qui m’attriste le plus. Aujourd’hui, il n’y a plus beaucoup d’éditeurices à qui je serai capable d’accorder ma confiance (petit scoop à l’attention des éditeurices : à l’heure d’internet, vos auteurices se causent, iels se racontent vos petites crasses, vos mensonges et vos mesquineries), et ces perles rares ne sont pas forcément compatibles avec les textes que j’ai en réserve.


À quel genre de mesquineries ou manques de respect ai-je dû faire face au cours de cette aventure d’un peu plus de dix ans ?
En vrac, sans ordre logique :
– Le contrat d’édition qui n’arrivera jamais de même que la somme forfaitaire qui allait avec
– Non créditée au sommaire d’une l’anthologie à laquelle j’ai participé à titre gratuit
– Promesses d’invitations non tenues
– promo réalisée, mais jamais diffusée
– promo jamais réalisée
– rupture d’un contrat d’édition en pleines corrections éditoriales pour refus de valider ce qui relevé de la censure pure et simple
– l’éditeurice qui vous fixe une deadline quasi intenable, mais ne vous prévient pas quand finalement iel se voit contraint de repousser son propre calendrier, vous laissant vous éreinter et stresser pour rien
– l’éditeurice qui ne prévient pas qu’en définitive iel pourra pas sortir votre texte et encore une fois vous laisse pédaler pour rien
– l’éditeurice qui confie votre texte à an correcteurice incapable alors qu’iel vous sait dys…
– les frais de déplacement jamais remboursés (salons, petits ou gros)
– texte cédé à une autre ME sans consentement et donc commercialisé sans accord, ni le moindre revenu
– l’éditeurice qui se montre emballé par le texte pitché, mais ne prend jamais la peine de le lire
– l’éditeurice qui égare trois fois ton manu avant que tu finisses par aller voir ailleurs
– L’éditeurice qui accepte une série, puis lorsque tu as terminé ton tome 2, te balance que ce serait mieux de réduire à trois tomes, ce qui te force à tout repenser et réécrire, pour finalement te reprocher d’être politiquement engagée…

– Les éditeurices qui répondent jamais à tes mails, qui on jamais le temps, mais ne comprennent pas que toi aussi tu as une vie à côté de l'écriture

Et pour finir, y a quand même les trucs chouettes, inoubliables
– Faire le Livre Paris sur le stand de La Madolière pour ma toute première publication. Trois jours de pur bonheur avec une éditrice qui savait mettre ses auteurices en avant
– Faire les salons sur le stand Mü avec Davy, qui même si on s’est quelques fois pris le nez et qu’il n’est pas tout blanc, fait aussi parti de ces éditeurices qui défendent leurs auteurices et leurs bouquins. Je lui dois d’être entrée au Livre de Poche, dommage que sur d’autres plans il soit loin d’être irréprochable.
– Ma collaboration avec 1115, sans doute l’éditeurice le plus réglo de France et de Navarre.
– Signer Les Enfants du Passé avec le Livre de Poche, parce que ce texte est celui qui m’a amené à l’écriture, le tout premier, même s’il a beaucoup été remanié par la suite.
 Et bien sûr, il y a les Aventuriales et toute la team